Last updated on 16 septembre 2019
Chaud bien sûr, mais également terriblement humide, et donc un peu moite; seul le vent permet encore de respirer. Le temps idéal, finalement, pour développer ses relations de bon voisinage. Chacun sort sur la galerie, s’installe sur sa chaise à bascule et regarde passer la journée, qui avec une bière, qui avec un thé, qui en fumant silencieusement. C’est un quartier comme les autres : peu de retraités, qui sont plutôt soit dans une maison individuelle soit au chalet (le chalet étant ici une pratique presque religieuse très répandue), et quant aux chômeurs, selon les plus jeunes générations, ils s’agit d’êtres mythologiques disparus depuis au moins la grande crise de 1929, dont on parle encore parfois dans les veillées pour faire peur aux enfants qui ne veulent pas aller à l’école. Bref, un quartier normal de gens qui travaillent, qui étudient, et viennent se reposer chez eux.
En réalité, le phénomène qui emplit le quartier – mais aussi la ville comme tout le reste du Québec – de travailleurs au repos, ce phénomène se nomme congés de la construction.
C’est qu’ici certaines choses se font de manière simultanée pour l’ensemble de la population de la province. Par exemple, le déménagement. Pas besoin de mettre de pluriel, les déménagements, non non. Tout le monde déménage le 1er juillet au Québec. Ça tombe bien, d’ailleurs, c’est un jour férié. Bien sûr, certaines personnes ne déménagent pas du tout – tous les ans, ce serait un peu fatiguant à la longue, pensons aux familles et aux personnes âgées – mais ceux qui déménagent n’ont pas le choix de la date.
Pour les vacances, c’est la même chose, la grande majorité de la population part en vacances pendant les semaines de la construction, au nombre de deux généralement. Pas la peine de trop chercher un petit commerce ouvert durant cette période. Tout est au ralenti.
Ça fait un peu penser aux grandes migrations animales dans les documentaires animaliers : la longue marche des caribous, le suicide des lemmings ou encore la remontée des saumons …
Et les chaises basculent, basculent, basculent encore.
© Gwen Caillet 2019 – Tous droits réservés.