Last updated on 11 septembre 2019
Au début de chaque année les Turcs sacrifient à une tradition somme toute assez récente.
Une tradition administrative, peut-être fiscale, chacun jugera …
Ici la taxe sur la valeur ajoutée s’appelle la KDV et représente en général 18% de la valeur de l’achat, avec quelques exceptions à 8%. Sans faire un cours d’économie, je dois expliquer ici que la Turquie – son gouvernement tout au moins – se bat contre une très importante économie souterraine, travail et commerce au noir. C’est un fort handicap pour le pays, et en réaction, afin d’inciter population et commerçants à déclarer les ventes effectuées, l’État rembourse aux contribuables une partie de la KDV payée dans l’année (environ 5%).
D’où la course nationale aux petites fiches justificatives des achats.
Et voici comment je me suis retrouvée hier matin à errer dans les quartiers asiatiques de la ville à la recherche d’un revendeur de formulaires de déclaration de paiement de la KDV.
Par chance j’en ai trouvé un, près du marché de Kadikoy, un vieux monsieur gentil, ses paquets de déclarations empilées sur le bras. Il m’a vendu (et là il s’agit d’économie souterraine pour arrondir sa maigre retraite) le formulaire indispensable – ou plutôt 10 enveloppes pour la modique somme de 1 livre turque.
Assez heureuse de ma bonne étoile, le fameux document dans le sac, me voici sur le chemin du retour. Le vrai travail ne faisait que commencer.
Installée dans le salon, toutes les petites fiches patiemment amassées tout au long de l’année sont posées devant moi. Il faut trier, jeter les trop petits montants (mais il est des foyers modestes qui doivent les traiter aussi), mettre d’un côté les achats de textiles et chaussures, de l’autre les produits pharmaceutiques, isoler les loyers, les livres et matériels scolaire, et enfin la nourriture. Sont exclus les alcools, tabacs, produits de toilette et les produits nettoyants.
Il faut alors sur chaque fiche identifier le nom du magasin ou restaurant, la date, le numéro de facture, et calculer la somme concernée au final.
Dernière étape, reporter ces informations sur l’enveloppe, fiche par fiche, et attribuer à chaque facture un numéro qui correspond à la ligne remplie. C’est un véritable travail de fourmi, presque une cérémonie à la gloire de l’administration bureaucratique.
Mais au final, c’est environ un mois de loyer remboursé. Pour les familles modestes, c’est même davantage de l’ordre du treizième mois. Rien de méprisable, donc.
On ne s’étonnera donc plus, au restaurant, des échanges de politesses afin de déterminer qui emportera la précieuse petite fiche …
5 janvier 2006