Last updated on 31 octobre 2023
Sur la belle île de Skye, j’ai échappé de peu à la pneumonie (au moins) en bravant la tempête pour aller à leur rencontre, pleine d’espoir. Il s’agit des phoques, bien entendu. On m’avait signalé leur présence dans une crique abritée, si j’avais le courage de marcher un peu. Bien entendu, j’ai sauté sur l’occasion.
J’avais seulement quelques heures d’avance sur le gros coup de vent du sud qui avait ramené dans des mouillages plus sûrs les voiliers bien informés. Se lever tôt, conduire jusqu’à la pointe nord de l’île. Trouver un stationnement malgré l’enthousiasme provoqué par les ruines d’un château à proximité.
Revenir à pied au début de la randonnée, se perdre sous le soleil, retrouver le chemin, croiser les troupeaux de mouton, essuyer les premières gouttes, croiser les touristes trempés dans leur petit t-shirt, l’air désabusé. Se laisser pousser dans le dos par le vent, entrer dans une petite vallée, soudainement se trouver en haut de la falaise.
Rubba Hunnish
Se précipiter dans le chemin à pic pour ne pas réfléchir et risquer de changer d’avis, remercier les nuages de s’être éloignés. Poser enfin le pied sur la presqu’île en bas des hautes falaises noires.
Ils avaient été aperçus juste là, avec leurs petits. Mais ce jour-là, pas l’ombre d’une moustache. J’entreprends néanmoins le tour de l’île, par acquis de conscience, m’émerveille devant les coulées de basalte percées de crevasses, sous les murailles déchiquetées s’effondrant dans la mer au fil des millénaires.
En voulant faire le tour d’est en ouest, je me fais maltraiter par le vent. Prudence oblige, je m’éloigne de l’à-pic. Ce n’est pourtant pas suffisant, car l’intensité augmente et les rafales se font brutales, aussi je coupe au beau milieu des prairies, puis renonce à explorer davantage, mais le vent continue à gagner en puissance de minute en minute. Des bourrasques me projettent dans l’herbe, sans la moindre considération pour mon amour propre.
De longues vagues se soulèvent au loin, gonflent encore, puis s’envolent dans la baie avant de venir me fouetter le visage en grosse bruine salée, bien plus haut à flanc de colline. Je profite un moment du spectacle, avant de m’avouer vaincue et de reprendre le chemin dans la falaise, vers le monde et la civilisation. Adieu la fureur des éléments et la solitude du bout du monde.
Défier les éléments, et rire dans le vent
Le retour est tout de même long, contre le vent, arrosée par des averses qui finissent par laisser place à une douche soutenue. Les parkings se sont vidés, la lande est déserte. Les chaussures de marche se remplissent d’eau, et le pantalon aurait besoin d’être essoré.
Penser que tout ça n’a servi à rien, un rendez-vous manqué.
Rien ? Voire, une journée comme celle-ci a décidément un délicieux petit goût d’aventure.
Enfin bien au sec et au chaud, je savoure la fin de l’après-midi, mais le vent n’a pas dit son dernier mot et vient secouer le fourgon sans relâche, comme un enfant capricieux maltraitant ses jouets. Quand je commence à me demander s’il existe des rafales assez puissantes pour renverser le cha(t)mion, je comprends qu’il est temps de changer d’endroit. La côte ouest devient trop exposée, donc je redescends de l’autre côté, et quitterai l’île dès le lendemain, à la recherche de l’abri offert par les montagnes.
Ce sera donc une autre aventure, peuplée de cerfs bondissants dans des vallées boisées, le long de rivières scintillantes au soleil. Ou au milieu de montagnes grises au dessus des landes violettes de bruyères odorantes, sous des ciels si bas que les sommets semblent ne pas exister vraiment. Vers le nord. Toujours plus au nord, jusqu’à ne plus rencontrer que la mer. Et la franchir.
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