Last updated on 9 mai 2024
1998. Second voyage aux Etats-Unis. Cette fois-ci je pars seule, comme une grande. J’en ai l’habitude, bien entendu, mais ce voyage est plus long, va plus loin. Quelques heures à New-York, le temps de traverser la ville entre l’aéroport et la gare de bus, de faire quelques courses, et de monter dans l’un des légendaires cars Greyhound. Direction le Colorado, et pour commencer Denver. Mes plans seront modifiés, mais je ne m’en doute pas encore.
La traversée du continent en bus, de New-York au Colorado
Environ 48 heures de trajet plus tard, je suis enfin au Colorado, ayant parcouru les deux-tiers du continent américain. Un road trip comme dans les livres …
Le trajet a été long, fatigant, mais sans incident. Le plus désagréable a été de devoir descendre du car en pleine nuit un peu n’importe où, de trainer son sommeil une heure durant dans la gare routière avant de remonter, en ayant bien sûr perdu sa place. Pas très agréable non plus la forte odeur chimique provenant des toilettes, quand on s’assied à l’arrière.
Par contre, rien de mieux que cette passivité forcée pour récupérer du jet-lag, lire, profiter des paysages et réaliser pleinement l’immensité du pays. Et discuter de tout et de rien avec des voisins de tous âges et de toutes sortes, qui changent au fil du parcours.
L’invitation à séjourner chez des inconnus
Justement, l’un de mes compagnons d’ennui, aussi bavard que moi, et faisant exactement le même trajet, me propose de l’accompagner dans sa famille, un peu plus haut dans la montagne. Quelques heures de plus ou de moins, cela ne compte même plus. La perspective d’une bonne douche à l’arrivée ? L’attrait de la découverte d’un nouveau lieu en compagnie de locaux ? Une telle offre ne se refuse pas.
Denver, nous arrivons à point nommé, le 4 juillet, le jour de la fête nationale. Le car nous pose aux petites heures du matin, nous sautons dans un autre bus, direction Boulder maintenant. Mon nouvel ami stresse un peu, car il n’arrive pas à joindre son cousin pour l’informer de l’heure d’arrivée, et de ma présence. Nous apprendrons plus tard les circonstances de ces difficultés à communiquer par téléphone (depuis une cabine) : des problèmes mécaniques, mais tout est bien qui finit bien, et après un court (on apprend à relativiser dans ces grands espaces) trajet en voiture, nous entrons dans la petite ville de Nederland. Bienvenue au Colorado !
Un quatre juillet à Nederland, Colorado
Après la douche promise et face aux placards vides de la cuisine, j’accompagne les deux cousins, l’un anglais, l’autre américain, dans un restaurant de la rue principale pour un copieux brunch, qui sert aussi bien de petit-déjeûner que de déjeûner. Au-dehors, les préparatifs du défilé battent leur plein. Nous nous installons au comptoir, et quand les plats arrivent, ils sont plus que copieux : la nourriture forme une vraie montagne dans l’assiette, je suis impressionnée.
Rien ne presse, car nous resterons sur place jusqu’au passage du défilé sur la grand-rue. Nous prenons le temps de déguster ce qui nous a été servi, et entamons une discussion à batons rompus avec nos voisins de comptoir. Je discute avec un homme bien plus âgé, qui me raconte sa vie en ermite au coeur de la montagne, la dureté de l’hiver, sa vie de prospecteur. Le cousin américain vient me chuchoter à l’oreille que le type est en fait un chercheur d’or, immensément riche. C’est l’un de ces ours solitaires, qui vivent loin de la société, ne voulant pas renoncer à une vie dure mais simple, qui leur convient. Chercher l’or devient alors plus important que le trouver.
Finalement l’heure de la parade arrive, et nous sortons profiter du spectacle. Majorettes, chars décorés, camion de pompiers, cavaliers, tout est exactement comme dans les films. Il me semble avoir quitté le monde réel pour entrer dans une fiction, où tout est exagéré et semble peu crédible. J’adore !
Nederland, un endroit vraiment spécial
Il faut préciser que cette minuscule ville de montagne, isolée à 2 500 mètres d’altitude, avec à peine 1 500 habitants, ce n’est pas totalement un trou perdu. Ou alors, c’est un trou perdu particulièrement intéressant. Une fois de plus, je suis tombée par pur hasard sur un véritable joyau. Ou peut-être devrais-je dire pépite, puisque nous sommes au pays des filons d’or ? Quoiqu’il en soit, je suis en pleine terre de western. Chapeaux de cow-boys et bottes de cuir couvertes de poussière.
La rue principale avec ses quelques magasins, le bureau du Shérif, un pont de bois couvert. C’est plus que typique, cela semble sorti d’une bande dessinée ou d’une production de Sergio Leone. On me raconte que Nederland a servi d’inspiration aux créateur de la série culte South Park, irrévérente et décalée, et ce n’est pas difficile à croire. Les habitants ont une réputation d’excenticité.
Notre hôte me demande, au cours de la matinée, si je fume. Je réponds par la négative, et plus tard dans l’après-midi me repose la question : est-ce que je fuuume ? Allons bon, il parle donc d’autre chose. D’ailleurs, dans la soirée, sur la pelouse près du lac, où une petite foule attend presque sagement la nuit pour admirer les feux d’artifice, je me rends compte que la marijuana est très appréciée. On dirait que tout le monde fume, ou presque. Quand, bien des années plus tard, la marijuana a été légalisée dans l’Etat du Colorado, je n’ai pas vraiment été surprise. D’ailleurs, le comté de Nederland en avait été l’un des précurseurs.
La ville semble aussi un vivier de sportifs de haut niveau et j’en croise plusieurs : cyclistes, coureurs, parfois jusqu’aux Jeux Olympiques. L’altitude élevée leur permet en effet de s’entraîner dans des conditions favorisant la performance, leur corps produisant davantage de globules rouges qui oxygènent donc mieux les muscles. Quelques semaines plus tard, je ressentirai moi-même les effets de mon long séjour en haute montagne, traduits par une énergie extraordinaire, une fois de retour dans la plaine.
L’interminable journée de la fête nationale
Mais pour le moment, je suis épuisée par le voyage, la longue journée, la nourriture trop copieuse à digérer ne me réussissent pas. Pourtant, la sieste n’est pas une option, car nous voilà partis pour une randonnée. Faire le tour d’un lac de barrage, partir dans la forêt pour une grande boucle – une fois n’est pas coutume, je traine la patte. Récompense au cours de l’excursion, une halte dans une barraque de rondins pour déguster une bière. L’endroit reculé est un modèle de saloon, avec les locaux qui aiment la bagarre, l’ambiance chaleureuse et la musique country bien entendu.
La soirée se poursuit par l’incontournable mais magnifique feu d’artifice, et ce quatre juillet s’achève finalement tard dans la nuit. Mon aventure américaine a commencé, et n’est d’ailleurs pas prête de s’arrêter, mais je suis alors si fatiguée que je n’ai même pas l’énergie d’y penser avant de m’endormir sur le canapé. Les jours suivants sont moins mémorables, flâneries dans la ville et exploration des environs, mais Nederland reste l’un de mes souvenirs les plus marquants de ce voyage.
© Gwen Caillet 2024 – Tous droits réservés.
