À l’hiver 2019, durant les années d’expatriation québécoise, les congés scolaires offrent l’occasion de partir avec une amie. Nous rêvons d’une simple petite escapade de quelques jours pour nous reposer et nous changer les idées. La chaleur du sud nous attire évidemment, mais nous écartons les destinations à risque sanitaire (eau non potable, insectes venimeux etc). Les Etats-Unis semblent le meilleur choix. Toutefois, la côte ouest dépasse notre budget. Reste la Floride. Ou Las Vegas ? Va pour Las Vegas !
Départ de Québec le 5 mars 2012 et arrivée en soirée à Las Vegas après deux escales à Toronto et Cleveland. C’est un peu fou mais pas si fatigant que cela : les vols sont assez rapides et courts, et le décalage horaire reste raisonnable.
Gagner 30 ou 40 degrés dans la journée
À peine arrivées, le changement de climat se fait sentir : nous venons de l’hiver, du froid et de la neige, mais à Vegas il fait déjà une vingtaine de degrés et la soirée est douce. Le contraste est fort bienvenu.
L’hôtel, le Tropicana, est l’un des géants typiques de las Vegas, à côté du MGM. La piscine est encore fermée à cette époque de l’année, mais c’est bien situé, presque au bout du Strip. Surtout, le forfait avion + hôtel est une excellente affaire. Passer quatre nuits dans un quatre étoiles à deux pour moins de 70 dollars, c’est certainement l’un de mes records. Douze ans après, le Tropicana vient de fermer, au début avril 2024. Il sera démoli dans quelques mois et remplacé par un stade. The show must go on (le spectacle continue) …
Aller jouer au casino
Bien entendu, le rez-de -chaussée de l’hôtel abrite un casino. Y déambuler, jouer quelques pièces évidemment, car cela serait dommage de manquer pareille expérience. Aux machines, c’est divertissant, et le système des « freebies » (ou gratuités) permet d’avoir une boisson gratuite si l’on reste assis suffisamment longtemps au même endroit (et à condition de laisser un pourboire proportionnel à la commande). En deux séances, j’ai perdu 6 dollars, bu 2 sodas, laissé un pourboire décent, mais surtout je me suis bien amusée.
Pas question néanmoins de faire davantage que regarder aux tables de jeu : je n’y connais rien. Bien entendu, je connais également les statistiques, donc même la roulette qui ne demande aucune subtilité ne me tente pas.
Notre séjour n’ayant absolument pas été planifié, la première soirée est consacrée à éplucher les divers programmes. Il faut juste se mettre d’accord sur les hôtels que nous voulons visiter, un spectacle à aller voir, des restaurants à essayer, et une journée d’excursion organisée pour éviter d’avoir à louer une voiture.
Flâner d’un hôtel à l’autre
Las Vegas est l’endroit idéal pour ne rien faire d’autre que se promener en ouvrant grand les yeux. Entrer dans un hôtel, le visiter, faire un peu de lèche-vitrines, déambuler le long de l’avenue, et c’est suffisant. Le service à l’américaine est en général de grande qualité, et à Las Vegas, la consigne semble être la suivante : traiter tout le monde comme un VIP. L’idée sous-jacente est la suivante : le touriste lambda peut revenir demain en ayant gagné le jackpot, donc donnons-lui l’envie de revenir dépenser une partie de son argent dans notre boutique !
Le système de freebies est également intéressant, plus développé qu’ailleurs. Tout ou presque peut être gratuit, à condition de comprendre le fonctionnement du système Vegas. Cela va de la chambre d’hôtel à la place de spectacle, du repas dans un restaurant à la limousine pour aller en soirée … On dirait presque à un jeu de stratégie grandeur nature, dans la vraie vie, juste un peu décalée.
Les hôtels et resorts qui nous ont davantage plu sont les suivants : le Wynn, le Venetian, le Belaggio, le Caesar Palace et Paris. Cela va du grand luxe au mauvais goût, du complètement fou au décalage intéressant. D’autres, comme le Luxor, semblent un peu démodés.
L’architecture de ces monstres est vraiment intéressante, que l’on aime ou pas, et la décoration est souvent ingénieuse : plafonds imitant le ciel, revêtement de sol imitant les pavés mouillés après la pluie, faux canaux tout juste assez profonds pour qu’y circulent des imitations de gondoles …
Parfois, ce sont les jardins, les plantes, les bassins qui sont l’attraction du lieu. Ce n’est rien d’inédit ou d’exceptionnel, mais bien plus la concentration et la densité qui en sont remarquables. Passer si rapidement d’une ambiance à une autre a un petit effet amusant et grisant.
Aller au spectacle
En soirée, la cerise sur le gâteau du voyage, c’est d’aller voir les Chippendales. L’autre spectacle attirant serait évidemment le Cirque du Soleil, mais comme il tourne fréquemment au Québec, nous avons choisi l’option « exotique ». Entrée interdite aux représentants du sexe masculin !
Lobby chic, lumières tamisées, boisson offerte pour patienter glamour. Spectacle de grande qualité, généralement sexy sans jamais verser dans le vulgaire. Les Chippendales sont des artistes et surtout des athlètes, dont le physique évidemment exceptionnel s’illustre dans des numéros impressionnants. L’envers du décor est un entraînement très poussé, pour des numéros travaillés jusqu’à la perfection. Indispensable, si l’on veut éviter les accidents lors des acrobaties spectaculaires. Enchantées et admiratives, le public ressort très impressionné par les performances de cette troupe qui mérite bien sa réputation.
Faire un tour dans le désert
Las Vegas est connue pour ses casinos, mais aussi pour être perdue dans un désert rouge et inhospitalier. Impossible donc de résister : il faut aller voir de près ce fameux désert !
Une excursion organisée nous emmène passer une journée dans le désert des Mojaves, à Red Rock Canyon. C’est de toute beauté, sauvage et lumineux. Le grand Ouest américain dans toute sa splendeur. Paradis pour les grimpeurs, petit frisson à l’évocation de tous les animaux venimeux ou dangereux présents dans le parc naturel. La guide nous met en garde : mieux vaut éviter de frôler cette espèce de buisson, qui abrite fréquemment une araignée dont la piqûre est mortelle.
Les roches et falaises sont sculptées par le vent, les paysages infinis, les couleurs chaudes aux variations de rouges. C’est pire qu’entrer dans une pâtisserie : cette trop rapide sortie dans le désert donne envie de revenir, de s’y égarer, d’en observer chaque plante, chaque animal, chaque caillou. Les montagnes toutes proches ne sont déjà plus les Rocheuses, mais les Spring Mountains, et sont également bien attirantes.
L’autre aspect intéressant de cette journée, c’est qu’elle permet d’en apprendre davantage sur la ville, et d’en traverser plusieurs secteurs. À Vegas, on est loin de la petite ville de province endormie. C’est une métropole de plus de 2 millions d’habitants, soit un peu plus que Paris. On y vient de partout, ce qui donne à la ville un côté cosmopolite extrêmement agréable, mélange d’accents, de cultures, de langues.
Lors de notre séjour, les effets de la crise de 2008 se font encore sentir, et les prix de l’immobilier sont assez bas. Plusieurs locaux m’ont parlé de leur vie, et de leur ville. Le Strip n’en est qu’une minuscule partie, à l’écart de la vie quotidienne. Le caractère touristique de Las Vegas offre bien des avantages, notamment au niveau de la désserte en transports et de l’accès à des spectacles de haut niveau. Quasiment tous les artistes passent un jour ou l’autre par Végas. Pour les locaux, c’est bien pratique.
Encore quelques promenades, succomber au spectacle des fontaines, profiter des attractions de la rue, se faire prendre en photo devant une voiture de luxe ou avec un boa (vivant) sur les épaules. Visiter des expositions d’art, marcher le long des canaux du Venetio, sous les faux ciels de Paris ou d’Italie. S’enfoncer dans les canapés moelleux pour siroter un jus de fruit en terrasse au soleil. Se promener une bière à la main… ailleurs dans le monde, cela n’aurait rien d’extraordinaire. Ailleurs aux Etats-Unis, c’est interdit, et on voit parfois des sacs en papiers douteux. Mais à Las Vegas, c’est autorisé, ce qui donne un petit frisson de transgression… légale.
Mais trop vite l’heure du départ arrive. Nous ne voulons pas repartir, et égayons l’atmosphère par des pitreries dans la salle d’attente de l’aéroport. Comment quitter sans un serrement de coeur ces températures agréables et la légèreté d’un endroit fait pour les vacances ? À bord de l’appareil de US Airways, c’est l’adieu à Las Vegas et le retour à Quebec via Philadelphia.
Le royaume du mauvais genre ?
Bien sûr que Las Vegas est un mélange brut de genres, grand luxe et raffinement cotoyant allègrement le pire des mauvais goûts, bien sûr que c’est très « nouveau riche ». C’est décadent, c’est disproportionné … et c’est magnifique. Tout le charme est là, dans cet impossible réconciliation entre deux mondes, qui pourtant ici cohabitent. C’est une splendide machine à attirer et recycler de l’argent : vous venez, vous dépensez vos économies, vous jouez, et même si vous gagnez, vous pourrez dépenser vos gains sur place, quels que soient vos centres d’intérêts. Admirable d’efficacité, que l’on aime ou non.
D’ailleurs, on se prend à rêver d’un retour à Las Vegas, pourquoi ne pas s’y installer un temps ? À quelques heures à peine de la côte ouest, une grande ville cosmopolite, pleine d’immigrants et de gens venus d’ailleurs. Et si… Mais non, finalement ce seront d’autres montagnes, un autre désert, un autre continent. Las Vegas restera donc un éternel plan B, un coup de coeur un peu fou. Déraisonnable, absolument, car c’est bien ce qui fait aussi son attrait !
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