Last updated on 7 septembre 2019
Juste de l’autre côté des Pyrénées, à peine un peu au Sud de Huesca, hors des sentiers battus, il y a le désert. Son nom ressemble à une mauvaise plaisanterie : c’est le desierto de los Monégros, le désert des Monts Noirs, ainsi nommés en raison des pins noirs qui recouvraient les buttes de cette zone peu hospitalière. Au temps de l’invincible Armada, les pins noirs de la région furent coupés pour construire les vaisseaux de la célèbre flotte. Les monts noirs sont devenus de sable rouge et jaune, et les arbres n’existent plus. Son nom évoque les fantômes d’une forêt disparue.
L’histoire regorge de ces désastres écologiques : disparition des forêts, pâturages intensifs des troupeaux de moutons, création ou amplification de phénomènes de microclimats, raréfaction de la végétation, ravinement des sols, diminution des pluies, et reproduction en spirale de ces effets. Dans ces conditions, le peuplement est resté anecdotique, malgré quelques implantations de colonies nouvelles au cours du XXème siècle, cadres de rues tracées au cordeau au milieu de nulle part.
Brouillards épais tout l’hiver, vents furieux, chaleur de plomb tout l’été, végétation clairsemée, population dispersée : les légendes font état de voyageurs inconscients qui jamais n’ont reparu …
Pourtant ce désert est aussi un paradis : pour les ornithologues, pour les archéologues, pour les randonneurs, pour les curieux … Il faut choisir son époque : l’été est impossible, avec ses chaleurs torrides. Mais le reste de l’année est accueillant, pourvu que l’on soit prévenu et bien équipé.
Autour des rares points d’eau qui sont souvent de temporaires oasis, se rassemblent les oiseaux plus ou moins migrateurs et des humains matinaux ornés de téléobjectifs. Dans les roseaux se cachent des trésors de collectionneurs d’images. L’eau et le vent ont sculpté la roche en formes étonnantes, les traces de fer rougissent la terre, le ciel est immense et tacheté seulement de quelques vautours fauves.
Partout dans ce desert on foule aux pieds l’histoire, on piétine littéralement les tessons de céramique et autres traces des civilisations passées. Maures et romains, peuples ibériques et conquérants, commerçants et voyageurs ont occupé ou traversé ces terres. Voies romaines et fortins maures, poteries noires et vestiges d’aqueducs sont les témoins immobiles et muets d’autres époques, attestées encore sur les cartes topographiques.
Désert aux portes de la ville, espace de paix loin de la fureur du monde, concentré de beauté pour qui sait regarder, terrain de jeu pour qui veut s’amuser … Le désert est un monde des possibles, pour qui se donne la peine d’aller l’arpenter.