Last updated on 10 septembre 2019
Depuis la fenêtre de la cuisine, un petit sommet me narguait. Un petit sommet de rien du tout, quelques falaises, des pelouses bien rasées, de jolis arrondis et quelques vautours et milans royaux pour le couronner. Rien de bien compliqué, vraiment pas loin, mais il a bien résisté : il a fallu m’y reprendre à trois fois avant d’atteindre le sommet !
La première fois, je suis partie un peu trop tranquillement, du village juste en dessous. J’avais un itinéraire à suivre, cela semblait long mais facile. Pas de chance, une partie de l’itinéraire avait été fermée au passage. J’a dû faire un long détour, par la route, avant de retrouver le bon sentier. Cela montait bien régulièrement, le chemin entrait dans un petit bois, grimpait à travers les pâturages, longeait un gouffre étroit, sous le vol tranquille des vautours fauves. Et l’heure tournait. L’automne touchant à sa fin, les jours étaient courts, j’ai dû me résoudre à faire demi-tour pour ne pas me trouver prise par la nuit en terrain inconnu.
La deuxième fois, la première neige venait de couvrir les plus hauts sommets, mais le soleil brillait par intermittence et la journée s’annonçait douce. Dès le milieu de la matinée, j’etais en route, direction un petit col d’où part un itinéraire reconnu. Mais je me suis perdue, et de détour en détour, il était déjà presque midi quand enfin j’ai laissé la voiture devant une route fermée pour travaux. En fait, cela passait. Trop tard. Emportée par mon élan, je suis montée trop haut et suis bien sortie de l’itinéraire, gagnant tout de même au passage la traversée d’un magnifique bois de chênes. J’ai choisi l’approche la plus courte et la pente la plus raide, sans amicroche presque jusqu’à la première cabane de berger. Mais j’avais changé de versant, et la neige, bien à l’ombre, montait bien à mi-mollet. Je me suis encore acharnée un peu, puis la montée de la brume m’a décidée à redescendre bien sagement par la piste, de l’autre côté.
La troisième fois fut la bonne. Partie bien plus tôt, arrivée au col (sans me perdre cette fois), je gare la voiture au même endroit, car une chasse est en cours. Par chance, un groupe d’étudiants en vacances part au même moment, aussi je me joins à eux. Leur mission est d’alerter les secours si je me prends une balle perdue (je n’ose trop présumer de la sobriété des chasseurs). Par chance, personne ne nous confond avec des musaraignes / sangliers / écologistes, et nous ressortons de la forêt vivants. Tout le groupe monte à bonne allure vers la cabane de berger. Au dessus, je trouve tout d’abord le sentier, puis le perds, ne sachant trop où se trouve exactement le sommet. Une longue boucle me promène sur les crêtes jusqu’au sommet. Le soleil est splendide et chaud à l’abri du vent, le regard porte loin vers le Sud. Au Nord, la plaine est disparue sous une épaisse couverture de nuages. Tout est magnifique, lumineux, calme, aérien. Le temps s’arrête.
Je ne regrette pas les deux échecs : il me semble connaître mieux cette grosse colline, cette petite montagne, et c’est désormais une amie que je salue par la fenêtre le matin, d’un clin d’oeil.