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À la rencontre des derniers bisons sauvages d’Europe

Posted in Animaux, Flore et nature, and Voyages

Last updated on 2 novembre 2023

La forêt de Bialowieza éclate de verdure, tendre et paisible comme au matin du monde. Nous partons à la rencontre des derniers bisons sauvages d’Europe.

Notre petit groupe quitte le sentier de terre pour s’enfoncer sous les arbres. Il faut écarter une branche ici, contourner une zone inondée là, enjamber un tronc par moment. Le sous-bois est assez clairsemé, protégé par les grands arbres, et il est relativement facile de s’y déplacer.

Sur les traces du plus gros mammifère terrestre d’Europe

L’un des membres du groupe repère les premières traces du passage d’un bison, et au fil des heures nous apprenons tous à reconnaître les traces de leur présence. Des marques de sabots, quelques poils laissés sur une branche. Un grand espace de terre dégagée, légèrement creux vers le centre, marque l’emplacement de la couchette. Parfois la nature du terrain nous laisse deviner combien de bisons sont passés. Plus les traces sont fraîches, plus nous brûlons d’impatience de les rencontrer. Malheureusement, il fait jour, il fait beau, il y a de quoi manger partout.
Nous ne les verrons pas.

la couchette du bison

Pourtant, ils sont environ 800 bisons, bisonnes et bisonneaux à vivre dans le couvert de la majestueuse forêt de Bialowieza. C’est ici que leurs ancêtres sauvages ont disparu en 1927, et encore ici que leurs descendants maintenus en captivité ont finalement été rendus à la liberté en 1952.
Ils vivent en groupes familiaux, ou hardes, d’une trentaine d’individus ou en petits groupes de 3 ou 4 mâles, se rassemblant en hiver, se dispersant aux beaux jours.
Se promener dans la forêt primordiale d’avant le néolithique, c’est sans aucun doute possible s’inviter sur le territoire de ce maître de la forêt. Les grands mâles pesant parfois plus d’une tonne, il vaut mieux se faire discret.

La présence invisible du bison à Bialowieza

Attention traversée de bisons

C’est d’ailleurs la discrétion qui permit finalement LA rencontre, quelques jours plus tard.
En cette heure si spéciale entre chien et loup, nous partons seulement à deux en bicyclette, nous enfonçant toujours plus loin dans une autre zone de la forêt. Nous efforçant de faire le moins de bruit possible, évitant de parler, nous quadrillons le secteur.
Un animal massif s’enfonce dans le sous-bois à notre passage. Nous décidons de nous éloigner, pour ne pas l’effrayer davantage. Etait-ce un bison, un cerf, un élan? Nous ne pouvons que nous interroger. Aucun visuel.
La lumière décline, mais nous apercevons à plusieurs reprises des chevreuils. L’un d’eux s’éloigne à grands bonds, zigzagant dans de grandes éclaboussures au milieu du marécage.

L’esquisse d’une rencontre

Finalement mon compagnon d’aventure les devine sur notre droite. Il les voit, mais j’arrive trop tard. Ce sont deux, peut-être trois bisons, qui s’enfuient en un martellement sourd. Ces sons nouveaux me ravissent. Je les entend de tout mon corps, à travers les graves vibrations transmises par le sol. Les sourires s’agrandissent. Enfin, nous les avons trouvés ! La chance était avec nous.
Plus loin un lièvre, nullement intimidé, nous attend au milieu du chemin, s’éloigne un peu, s’écarte finalement, puis se rassied pour nous examiner. C’est sans doute que nous avons de bien drôles de pattes rondes, un peu trop grandes. Il finit par se lasser de nous et part chercher quelque autre divertissement ailleurs
.
Pourtant, la magie a fait son apparition avec lui. Nous n’osons respirer qu’à peine, débordant de joie sauvage. Nous ralentissons le rythme. La nuit approche. Bientôt nous ne verrons plus rien.

Un moment suspendu dans le temps : magie aux côtés des bisons

Un mouvement de l’autre côté du sentier, dans la forêt. Un bison, ou plutôt des bisons ! Ou peut-être des bisonnes, plus probablement. Ils ou elles broutent les herbes printanières, se déplaçant juste pour aller chercher la prochaine bouchée.
Nous sommes figés, le coeur battant, osant à peine respirer. Il sont plusieurs, de diverses tailles, masses sombres dans la lumière déclinante.
Au bout d’un moment, l’un d’eux ou l’une d’elles se met en route. Par chance, ils choisissent une trajectoire parallèle à notre chemin, aussi nous avançons discrètement, suivant le même rythme tranquille. Au gré des ouvertures entre les arbres, nous comptons jusqu’à neuf individus. Ils sont certainement davantage. L’un(e) d’eux/d’elles est bien plus grand(e) que les autres. Il y a des tous jeunes, mais la plupart sont clairement adultes. Pendant un long moment de pure magie, nous cheminons ainsi de concert, la harde dans les bois, les humains sur le sentier, indétectés, insoupçonnés.

herd of brown cows on green grass field
Photo by Jordan Petrov on Pexels.com

Lorsque les bison(ne)s atteignent l’orée d’une clairière, ou peut-être un marécage, ils viennent déranger une harde de cerfs élaphes, ou plutôt de biches et de leurs petits, d’une trentaine de têtes environ. Le groupe de cervidés prend peur et s’enfuit à grands bonds.
Surpris et inquiétés par cette débandade, les bisons se figent, et les plus grands animaux du groupe, ne se doutant peut-être pas qu’ils sont à l’origine de cette fuite éperdue, se mettent à inspecter les environs, soupçonneux, cherchant la menace. Nous voyons, comme dans un rêve, la tête d’un de ces superbes animaux se tourner vers nous au moment exact ou mon compagnon le désigne d’un geste du bras. Il ne nous avaient pas entendus, pas sentis, mais cette fois la grande bisonne nous voit. Nous nous pétrifions, mais c’est trop tard.

L’alerte est donnée, et le moment de grâce prend fin. L’univers bascule en un seul instant dans un chaos assourdissant, le sol tremble d’une demi-centaine de sabots se précipitant vers la sécurité des profondeurs de la forêt. Des branches craquent sans fin, il semble même que des arbres sont abattus dans une course aveugle de force brute. La forêt entière semble la proie d’une panique sans nom.

Place à l’éternité du rêve

Le tumulte s’éloigne peu à peu, et progressivement le calme retombe sur Bialowieza, dans une illusion de paix. Nous restons abasourdis, au sens propre comme au sens figuré.

Les bisons étaient là. Nous marchions à leurs côtés.

Le crépuscule laisse place à la nuit. Nuit qui sera plus que jamais le refuge des rêves. Nous marcherons pour toujours dans la grande forêt verte, au milieu des bisons, des cerfs et des chevreuils, y rencontrant lièvres, renards, blaireaux et écureuils.

© Gwen Caillet 2022 – Tous droits réservés.

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