Last updated on 31 octobre 2023
Parfois l’attente se fait longue, mais quand elle prend fin, quand la rencontre tant espérée a finalement lieu, alors la magie opère. Deux phoques sont venus au rendez-vous, deux moments inoubliables au cours d’un coyage déjà merveilleux à bien des égards.
Le phoque et les macareux
Côte ouest de l’Ecosse. J’ai dû fuir l’île de Skye assaillie par la tempête, et me suis réfugiée sur la côte, qui offre davantage d’endroits où abriter le fourgon des vents violents.
En chemin, j’ai rencontré un grand cerf rouge très peu farouche, des montagnes immenses perdues dans les nuages, des averses épiques, des plages de sable fin évoquant davantage les Caraïbes que les Highlands écossais.
Au petit matin, après une nuit légèrement secouée à Red Point, je traverse à pied les grandes dunes et m’assieds un peu à l’abri du vent face à la mer, les pieds dans le sable. A travers les jumelles, j’observe la plage rouge et ses environs. Tout près de l’eau, un groupe de macareux est endormi, encore en formation d’escadrille, prêts à reprendre l’air à la moindre alerte. J’ai de la chance, car pour la plupart, ils sont déjà repartis rejoindre leurs quartiers d’hiver.
Mais si, vous savez bien, les macareux, comme les macarons sauf que ça ne se mange pas ? Toujours pas ? En anglais, on les appelle des puffin, là encore, comme des muffins, sauf qu’on ne les mange pas. Bon d’accord, ça n’a rien à voir … Donc ces oiseaux noir et blanc avec le bec et les pattes d’un bel orangé.
J’admire et admire encore, balaie du regard les alentours, et tout d’un coup il est là, pile dans l’axe de mon regard, non loin des oiseaux ensommeillés. Un phoque sort la tête hors de l’eau, sans doute venu inspecter les intrus sur le rivage. Il semble regarder directement vers moi malgré les jumelles. Je retiens mon souffle, n’ose plus bouger malgré la distance. Le temps est suspendu, puis il disparait, aussi discrètement qu’il était apparu, comme s’il n’avait jamais été là.
Mais moi je sais, et j’ai le coeur léger en reprenant la route. Il est venu au rendez-vous.
Le phoque sur son rocher
Une bonne semaine plus tard, circonstances obligent (sous la forme d’une vilaine tendinite qui interdit toute nouvelle randonnée), j’ai rejoint la côte est de l’Ecosse, remontant en ligne droite vers les îles Orkney (les Orcades). Afin de ne pas trop forcer sur ma jambe douloureuse, je fais de courtes étapes et cette nuit-là j’ai dégotté un charmant emplacement directement sur la plage, non loin d’un petit port. Zeus est parti explorer les alentours sitôt la porte ouverte, et j’ai sorti les jumelles afin de scruter l’horizon dans cette fin d’après-midi ensoleillé.
Un éternuement non loin de moi, mais la plage est déserte, et le son provenait de la mer. J’examine plus attentivement les eaux bleutées et un mouvement capte mon attention. Un gros phoque nage le long du rivage, remontant vers le nord. Il sort de l’eau pour s’installer sur un rocher encore immergé. La marée descendante lui permet de sécher son grand corps au soleil, entouré de reflets scintillants. Il ne se trouve qu’à quelques dizaines de mètre de moi, aussi j’ai tout loisir de l’observer.
Il se glissera de nouveau dans l’eau un peu plus tard, ennuyé par la proximité d’un chien en liberté, mais seulement pour aller se hisser sur un autre rocher, par bonheur plus près de moi cette fois. Au moment d’aller me coucher, il est encore là et au matin il est reparti, mais j’ai eu des heures pour l’observer.
Il fait bronzette, sur le dos, sur le ventre, de côté. Il se tortille un peu pour ajuster sa position, se gratte une patte arrière avec l’autre, replie sa patte avant au chaud contre sa peau. C’est un grand phoque gris, tâcheté et sans doute plein de cicatrices. Je ne me lasse pas de l’admirer. Il me tient à l’oeil, mais je ne l’inquiète guère et ne me rapproche jamais de lui. Parfois il me fixe de ses grands yeux sombres. Les heures passent, et nous nous tenons compagnie, dans la quiétudes des derniers rayons du soleil couchant.
J’en ai rêvé et ils sont venus. Les phoques de l’Atlantique ou de mer du nord. Je vais pouvoir recommencer à rêver. Ailleurs, un autre jour, ils reviendront.
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© Gwen Caillet 2023 – Tous droits réservés.
Très beau texte qui m’a fait sourire. Merci! La prochaine fois qu’on se verra, je te raconterai. Je t’embrasse. Xxx