Last updated on 7 septembre 2019
Et si la nouvelle frontière, c’était le passé ? Dans la série mystères, voici : Ayera.
Comme toujours, catholicisme oblige, tout ce qui n’était pas chrétien a été dénommé « del Moro ou del Mauro ou de la Mora ou de los Moros ». Tant qu’à faire, mettons tous les hérétiques dans le même panier, des hommes des cavernes aux romains, en passant par les celtibères … et parfois quelques arabes, finalement. L’Aragon est truffée de ces losa mora (un dolmen), cueva de los moros (neolithique moyen), et piedra de los moros à Ayera. Difficile donc de s’appuyer sur la toponymie pour lui attribuer une origine.
Mais d’abord, visitons les lieux. Non loin de Huesca, dans la plaine juste en-dessous de la Sierra de Guara, se trouve le minuscule village d’Ayera. La campagne est plaisante, alternant cultures de blé, plantations d’amandiers, petits bois, fossés d’irrigation et haies touffues. Au terme d’une promenade qui nous mène sur un chemin de terre battue, puis à travers bois, et enfin au milieu d’un champ de blé, nous voici au pied de … quelque chose.
Il s’agit d’un rocher de grès, cette roche sablonneuse qui s’effrite lors d’un grattement répèté. Mais c’est un gros rocher : plus large qu’une maison, plus long qu’une rue de village, haut comme un immeuble de 3 étages. C’est donc un édifice naturel. Pourtant, une niche vaguement ronde accueille les visiteurs, sans doute taillée, ouverte vers l’extérieur du rocher. L’intérieur a peut-être été excavé, laissant vers le sud un mur d’enceinte haut de quelques 5 mètres, vers le nord une barrière d’un mètre de haut, le tout épais de un à trois mètres.
À l’est, il y a comme une citerne, dans laquelle pousse maintenant un figuier tourmenté. Depuis le haut on perçoit mieux le mur d’enceinte du sud, surplombant la forêt de petits chênes et les champs au-delà. À quelques pas vers l’est, un petit frère du rocher se dresse tel un champignon solitaire.
À l’ouest, un large escalier escarpé mais aux marches émoussées ouvre sur de larges cavités rondes, percées dans leur fond et sur le dessus. Chacune de ces excavations est légèrement décalée par rapport aux autres, dessus-dessous ou à côté. Cet escalier démesuré ouvre sur une longue plateforme percée comme un gruyère de ces trous. Certains portent encore leurs couvercles de pierre, lourdes dalles rectangulaires parfaitement ajustées aux ouvertures sommitales. On peut y descendre, parfois y tenir debout ou presque. Du dedans, on voit bien les traces du travail des artisans de la pierre sur les parois : rien de naturel ici. Certains communiquent avec un ou plusieurs des trous voisins, et l’ensemble finit par évoquer un labyrinthe tout en rondeurs.
Tout à l’extrémité de cet espace se dresse, encore plus haut, une large proéminence dans laquelle plusieurs larges excavations, davantage de la taille de petites grottes, ont perdu une de leurs parois. En contrebas, de gros blocs témoignent de l’effondrement d’un pan de la falaise. La plus confortable et la plus occidentale de ces grottes à ciel ouvert est connue sous le nom de balcon de la reine, peut être en référence à celui du chateau de Loarre et à la vue saisissante.
Qui a créé ces espaces ? À quelle époque et à quelles fins ? Difficile à dire. On peut penser que ces cavités servaient de stockage, sans doute pas d’eau ni de céréales, en raison des ouvertures communiquantes dans leur fond, par lesquelles un liquide descendrait et des rongeurs circuleraient. Peut-être du vin ou de l’huile. Peut-être tout autre chose qu’on imagine mal.
Les croyances populaires parlent de princesse maure volante, échappant à un père trop dur, ou de rites de fertilité, bref, n’eclairent en rien quant à l’usage ou l’origine de ces lieux. Mystère donc.
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