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L’eau du ciel

Posted in Chine, and Voyages

Last updated on 12 septembre 2019

Dans la série Voyage en Chine du sud, archive inédite de juillet 2011.

Je suis certainement dotée de l’autre talent de la grenouille … dont je me passerais bien d’ailleurs.

Car outre ma capacité à sauter dans la moindre flaque, on dirait que je sais également anticiper le temps avec une précision déconcertante. Plus exactement, à chaque fois que je mets le nez dehors, en ces jours chinois, on peut être assuré que le temps tourne à l’orage dans les deux minutes, sans exagérer. Demain je chronomètre.

D’abord un coup de vent annonciateur. Brusque et violent, il fait tomber des arbres les mangues presque mures. Un fruit rebondit sur le toit d’une voiture exactement au moment ou je passe devant, l’alarme antivol se met à hurler, j’ai le choix entre ramasser le fruit pour témoigner de mon innocence ou fuir avant l’arrivée de la police.

Ensuite les premières gouttes, lourdes et lentes, viennent s’écraser ou elles peuvent. Puis comme dans un orchestre, la cadence accélère imperceptiblement, les gouttes se font moins épaisses, un rideau tombe sur la ville. Et sans trop prévenir, nouveau changement de tempo, les premiers éclairs zèbrent le ciel, suivis des roulements graves du tonnerre, les piétons se mettent à courir chercher refuge, le sol disparaît dans un torrent rapide et c’est une immense douche collective. Même les cigales se taisent. Il n’y a alors plus d’urgence pour rien une fois abrité, même sommairement. On se met sur pause, à regarder les vagues verticales hypnotiques nous laver les pensées.

Le ciel vide, cela s’apaise, on peut ressortir sous un parapluie, mais le vent charrie déjà de nouveaux nuages pleins de réserves et ça repart, plus rien, ça recommence et encore et encore.

Partager le parapluie avec une passante moins prévoyante, s’arrêter ensemble regarder les poissons remonter tranquillement le courant dans l’eau renouvelée. Une superbe carpe dorée, beaucoup de poissons rouges, quelques multicolores. Toujours un plus gros en avant suivi de près par sa cour de plus petits. Les escaliers de la passerelle qui franchit le carrefour sont transformés en cascade, impraticables le temps que toute cette eau trouve une échappatoire vers le canal.

Fatalistes, les petits métiers des rues se massent sous les jonctions d’autoroutes aériennes. Un vendeur de bananes, une marchande de fleurs, un portefaix … Ils se regroupent, entament une partie de go, ou plus prosaïquement s’installent du mieux qu’ils peuvent, qui sur un carton, qui sur les vêtements étalés dans la carriole, la tête reposant sur la selle de la bicyclette, et s’endorment là, un peu de repos volé à l’agitation de la ville et à la chaleur apaisée quelques heures.

Et la pluie, qui est déjà un petit miracle de la vie, fait aussi très bien fleurir les sourires complices, éliminant un instant les différences à la faveur du hasard partagée d’être là, les uns et les autres, seulement humains et bien peu étanches.

Les billets pour rejoindre les plages de sable fin de l’île de Hainan sont pris. La météo y annonce une tempête tropicale pour mon arrivée. Étonnamment, cela ne me surprend pas trop …

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