Last updated on 31 octobre 2023
Au coeur des Highlands, les cerfs
La vallée de Glen Findhorn est splendide, et pour obtenir une meilleure perspective, le chemin qui grimpe à flanc de colline semble parfait. Je grimpe donc, laissant le fourgon garé au bout de la route se transformer progressivement en un minuscule point, tout en bas. Ce flanc de montagne est bien pelé, peu de végétation haute, mais de la bruyère mauve en fleur, odorante et ennivrante, des myrtilles à foison, mousses et lichens. Tout en haut, à l’abri des regards, se trouvent de nombreux cerfs, mais en commençant l’ascension, je suis loin de m’en douter.
L’arrondi des reliefs parle ici des périodes glaciaires, de la lente abrasion des montagnes pour laisser descendre les glaciers, des torrents violents qui se tracent un lit jusque dans le roc s’il le faut. L’eau est partout, témoignage sous le soleil d’un hiver glacial, recouvrant de neige et de glace ces étendues balayées par le vent. Des ruisseaux envahissent les ornières du chemin, semblant venir de nulle part. Plus haut, des étangs de dégel cotoient les tourbières. La progression est difficile sur ce terrain truffé de pièges pour les chevilles inattentives.
Au détour du sentier, un nouveau pan de montagne se dévoile. Non loin du cairn indiquant un sommet, un détail sombre qui se découpe sur le ciel attire mon attention. Poser le sac, sortir les jumelles, et il est là, silhouette majestueuse sur la ligne de crête : un grand cerf rouge écossais (Cervus elaphus scoticus) qui me fixe attentivement, sa belle tête tournée vers moi. Malgré la distance, ma présence l’inquiète. Je l’observe, assise sur un rocher, immobile. Il se déplace lentement vers la droite, avec de nombreuses pauses pour vérifier que je ne bouge pas, puis descend progressivement de la crête vers un repli de terrain.
Une silhouette se découpe sur le ciel :
C’est un grand animal magnifique, au pelage roux clair et aux bois immenses qui se découpent sur le ciel. Lorsque je l’ai regardé assez longtemps, je laisse les jumelles se promener aux alentours, étudiant le terrain avec davantage d’attention. Finalement, je les découvre, autour d’un ruisseau ou, peut-être, d’une mare formée par le dégel, et tout s’explique.
Il sont une vingtaine de cerfs, plus ou moins jeunes, certains couchés dans l’herbe, se chauffant au soleil, d’autres broutant. Je ne vois là que des mâles, dont j’ai repéré en premier le guetteur qui, un peu éloigné et installé sur une hauteur, permettait au reste de la harde de se reposer et de manger en toute tranquilité.
D’ailleurs, il revient maintenant vers le groupe, ce qui suffit à les alerter. D’autres têtes se tournent vers moi pour mesurer l’éventuel danger. Rassurés, ils continuent leurs activités, mais petit à petit le groupe traverse le ruisseau et s’éloigne imperceptiblement. Je les observe lontemps, oubliant le reste du monde et oubliant le temps, fascinée.
C’est le grand cerf rouge d’Ecosse
Certains cerfs sont tranquilles, d’autres chassent avec impatience ceux qui les approchent de trop près, notamment les plus jeunes. Tous ont des bois, mais les tailles et les corpulences varient. Parmi les plus jeunes, de petites courses s’engagent avec nervosité.
Un lièvre téméraire se fait pourchasser à vive allure par l’un des cervidés. J’en ris aux éclats, assise sur mon rocher, tant la scène est comique.
Toute la troupe s’est éloignée, l’air de rien, une partie s’est recouchée au soleil derrière un repli de terrain, une autre est passée de l’autre côté de la crête, les derniers s’éloignent encore. Tous seront bientôt trop loin pour continuer à percevoir des détails.
Je reprends donc ma route, perdant vite le chemin qui s’est dissous dans les herbes. J’explore donc, ne voulant pas me rappocher de la harde pour ne pas les déranger davantage. Ici ou là, je me pose un instant sur un caillou et passe le paysage en revue, méthodiquement. Puis un mouvement presque imperceptible capture mon attention.
Une biche debout, immobile, quasiment invisible dans son camouflage aux couleurs de végétation. Une inspection plus poussée me permet d’en découvrir quelques autres, couchées sur la mousse. Elles disparaissent à la vue, ressurgissent. Ce petit jeu de cache-cache dure un certain temps, puis je me décide à rebrousser chemin, afin de ne pas troubler la paix de ces collines.
Icônique et majestueux animal
Picorer des myrtilles, se mouiller les pieds dans la tourbière, chercher les sentiers tracés par les quadripèdes de l’endroit, s’arrêter au soleil… Au moment d’aborder la courbe qui les cachera à ma vue, je me retourne pour jeter un ultime coup d’oeil sur la harde de mâles.
Dans une vision incroyable, la dernière moitié du groupe apparait en ombres chinoises sur la crête, sublimes bêtes aux bois de légende, se suivant en file indienne avant de disparaitre en passant sur l’autre versant de la montagne. Elegance de ces créatures qui semblent provenir d’un autre âge, magie de la lumière de fin d’après-midi.
Ce n’est pas la première fois dans ce voyage que j’ai la chance de rencontrer ces beautés sauvages, et je les reverrai souvent encore par la suite, mais c’est un moment merveilleux, parfait, sans doute inoubliable, que ces silhouettes fugitives disparaissant dans la lumière dorée des Highlands.
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