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Du Gloup à Gulpiyuri : l’océan sous les falaises

Posted in Ecosse, Espagne, grottes, and Voyages

Last updated on 17 mars 2025

The Gloup

Lors du voyage en Ecosse, j’avais déjà eu la joie de découvrir le Gloup.
Rien que son nom me fait rire. C’est une toute petite promenade de rien du tout au nord du nord de l’Ecosse, dans les Orcades. Une curiosité naturelle, une grotte effondrée, un gouffre ouvert au milieu de la lande, après que la mer se soit faufilée sur plus de 70 mètres à travers les falaises. A marée haute, selon la direction des vents, cela peut provoquer un beau geyser. Je n’ai pas eu l’honneur d’y assister, mais le site m’avait néanmoins bien impressionnée. Deviner ce long tunnel dans lequel la mer se rue, entrevoir la lueur du jour de l’autre côté, cela remet un humain à sa place. Insignifiante.

The Gloup, Orkney

Le trou du taureau en colère (nom imaginaire)

Bien plus près, à l’occasion d’un petit voyage rapide sur la côte nord espagnole, j’ai trouvé par hasard un autre de ces phénomènes étonnants. Pas d’indication, une route sans issue, je ne connais même pas son nom. Je me promenais, juste pour profiter du grand air et des paysages, de la beauté des chevaux dans les pâturages. Au moment de rebrousser chemin, c’est un petit espace de stationnement qui a attiré mon attention. En explorant un peu les alentours, j’ai sursauté en entendant soudain un son grave, un peu comme le mugissement d’un taureau.

Alors que je m’approchais prudemment de la falaise, le son a retenti de nouveau, Furieux et brutal. J’ai fini par en découvrir l’origine : probablement une cavité effondrée ou une fissure grignotée par l’eau, transformée en une haute cheminée dans la roche déchiquetée. Impossible de s’approcher assez pour voir clairement, mais chaque vague s’engouffrait violemment par cette ouverture dans la falaise, avant de ressurgir en jets d’écume en expirant bruyamment.

Rassurée sur l’origine du bruit (à priori pas de dragon sur les lieux), je me suis longuement laissée hypnotiser par les mouvements, les sons et finalement la puissance de la nature. Le mugissement de la bête liquide venait résonner jusque dans mes os. L’espace d’un moment j’avais quitté le monde des humains pour me perdre dans celui des éléments.

La playa de Gulpiyuri

Seulement quelques jours plus tard, ayant abandonné la Cantabrie pour les Asturies, j’ai eu le privilège de découvrir un autre site extraordinaire, bien connu celui-là : la plage de Gulpiyuri.

Au plus sombre du confinement dû au covid, j’avais rêvé d’une plage. Un de ces rêves lumineux, cryptiques et merveilleux, qui vous remplissent de bien-être et de soleil. Le lendemain, j’avais passé quelques heures à rechercher des destinations en bord de mer, des plages parfaites, à aller visiter quand de nouveau je serais libre de mes mouvements.
C’est alors que j’ai pour la première fois vu des images de Gulpiyuri, que mon imaginaire a eu tôt fait d’adopter. Pour moi, elle est donc devenue « la plage mythique ». Puis les portes se sont rouvertes, et le temps a passé, sans que je n’honore cette promesse que je m’étais faite, d’y aller un jour. Mais finalement, après avoir visité la grotte d’Altamira, un autre de mes vieux serpents de mer, Gulpiyuri a surgi des limbes des rêves enterrés. Quelques heures de route à effectuer, certes, mais hors saison, c’était le moment idéal.

L’accès à ce « monument naturel national » est un peu compliqué. Pas de parking, des routes indignes de ce nom, une voie de chemin de fer qui fait obstacle. Bref, je me suis garée plus loin sur la côte, ai rempli mon sac-à-dos et me suis mise en route. Déjà en mars, c’est une attraction populaire. Il faisait beau, grand soleil, jusqu’à ce qu’il pleuve, au retour : ne dit-on pas de cette région que c’est la Bretagne du sud ? Une vague de chaleur réchauffait la terre, et l’air dépassait les vingt degrés. Plus j’approchais du site, plus le chemin devenait fréquenté, et sur place il y avait déjà entre autres une famille (très nombreuse) qui monopolisait l’espace, avec musique latino à fort volume et hauts cris pour offense d’orteil mouillé. Qu’importe, je n’allais pas me laisser décourager, car l’endroit est véritablement superbe, et par hasard j’étais là précisément à marée haute, quand les vagues emplissent la cuvette en demi-lune et viennent lécher le sable blond.

Un peu d’autopersuasion donc pour être zen, et ni une ni deux, en maillot, et à l’eau. Les indiscrets en sont restés totalement incrédules, eux qui avaient déjà vraisemblablement posté sur internet la vidéo de leur extraordinaire immersion (bruyante) jusqu’au mollets dans l’arctique.
En réalité, c’est l’Atlantique, et elle n’était pas vraiment froide. Surtout, je voulais voir au plus près le tunnel par lequel l’océan vient envahir cette étonnante plage de l’intérieur des terres. J’ai alors nagé vers le boyau (encore une sombre histoire de grotte au plafond effondré), assez près pour distinguer la lueur de la sortie, de l’autre côté de la falaise.

Trop près d’ailleurs pour le troupeau familial en goguette, qui s’est mis à trépigner et à me crier des avertissements, du style « non, n’y va pas, la mer va te dévorer et te projeter sur les rochers », etc. Du grand guignol.
Je les ai donc superbement ignorés, ai savouré la magie de l’instant, senti sur ma peau les courants se croiser, me suis laisser empoigner par la vague, qui m’a gentiment repoussée vers la plage, en plusieurs fois. J’ai fini par ressortir, avec un grand sourire et des étoiles de mer plein les yeux.

Plus tard, j’ai continué le sentier jusqu’en haut des falaises, et j’ai pu voir l’envers du décor. C’était encore une fois une démonstration magistrale de la force des éléments. Les pitreries humaines n’y peuvent rien, on ne peut qu’admirer, et savourer la chance qui nous est offerte de pouvoir nous tenir, juste un instant, devant la beauté à la lisière des mondes.

© Gwen Caillet 2025 – Tous droits réservés.

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